Microcosmic

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Le mec sur la photo s’appelle Emilien, et je ne le connais pas vraiment.
Le jour où je l’ai rencontré, c’était lors d’une soirée dans sa coloc à Lille, 
surnommée le château.
Mon camion venait d’être forcé et toutes mes affaires volées.
Je suis rentrée en rage, il m’a regardée calmement et m’a dit :
« Tu sais que ça sert à rien de t’énerver, n’est-ce pas ? »

Il fut un temps où j’aurais encastré la personne qui m’aurait demandé de relativiser alors que j’étais en pleine représentation théâtrale de :
« Mais tu vois pas que je souffre, nan ? »

Ce que j’avais de plus cher était contenu dans mon véhicule, car je n’avais pas de chez moi à ce moment-là… J’étais dans une colère noire, mais j’ai acquiescé.


Il m’a dit :
« Tu veux un câlin ? »
Pour la première fois, j’ai fait un câlin à quelqu’un que je connaissais à peine, et ça m’a fait du bien.
J’aime pas trop les câlins, ni
faire la bise d’ailleurs, parce que j’ai le sentiment de ressentir trop les gens.
J’aime la connexion sans l’intrusion.

Il fut aussi un temps où, quand je croisais quelqu’un pour la première fois, ma réaction première était :
« C’est qui ce connard ? »
J’ai souvent dit aussi :
« J’aime pas les gens. »
J’ai menti.

Sinon je ne ferais pas tout ce que je fais aujourd’hui. Je ne ferais jamais cela juste pour moi.

Emilien, je l’ai revu cet été. Il est venu filer un coup de main sur notre maison.
Il a marteau-piqué de ouf, à la sueur de son front, les murs de la maison le matin, et peint des figurines minuscules avec un pinceau à deux poils l’après-midi.
Alors je me suis dit que c’est lui que je voulais voir porter cette illustration.

De l’infiniment grand à l’infiniment petit, tout se répète, le code est en place, les fractales en sont l’expression.
Il en va de même, j’imagine, pour les cycles, les ressentis et les émotions.

Lorsque, triste ou énervée, je me balade et que mon regard croise une petite pomme de pin, une pousse verte ou un insecte blotti au creux d’une fleur… J’oublie tout, j’m’en fous.
J’embrasse cette matrice vivante, je colle mon nez dessus et ça me remet à ma place : celle d’un être vivant inachevé et sensible.

S’allonger dans l’herbe, sur un banc, fermer les yeux. Projeter son esprit tout là-haut et, à l’inverse, se mettre à marcher à quatre pattes pour observer ce qui se passe à hauteur d’orteil.
On a tendance à voir seulement à hauteur d’yeux, et on loupe les trois quarts de ce qui nous entoure.
L’exemple de l’arbre est parlant : on le juge par son tronc en omettant ses branches qui s’élèvent là-haut et ses racines profondément ancrées dans le sol. Sans compter ses milliers de petits habitants occupant son être tout entier.

Comment alors comprendre le monde, ou nous comprendre nous-mêmes, si nous ne savons pas prendre du recul ou plonger au plus profond de nous pour observer ce qui s’y passe ?
Sentir ce qui nous habite et contempler ce qui nous entoure.

C’est beau hein, sur le papier comme ça.

J’ai aucune leçon à donner. Ces réflexions me viennent dans des moments de grâce divine où mon mental a décidé de me foutre la paix. Mais demain, qui sait ?
J’aurai peut-être envie de péter le pare-brise d’une voiture qui m’a pas laissé traverser sur le passage piéton.

En attendant, j’écris.
En jetant un coup d’œil de temps à autre au vent qui fait frémir les feuilles de mes plantes, et à cette supeeeerbe carotte biscornue que j’ai trouvée à l’épicerie.

Contemplez, contemplons, c’est gratuit.
Et ça, ils ne pourront jamais nous le prendre.

Fractalement vôtre,

Aurélia.

P.S. : Je publie rarement spontanément, car j’suis un tantinet perfectionniste.
J’ai envie de changer : ça me laissera plus de temps pour contempler.

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